Du Pain & des Roses - Où es-tu installée et depuis combien de temps ?
Joséphine Mullet : Je suis installée dans l'Oise, à Autheuil-en-Valois, à 1h15 de l'Extraordinaire kiosque à fleurs dans le 9e arr. de Paris. C'est ma deuxième année de production.
DP&DR - Combien de variétés différentes cultives-tu ? Y’en a-t-il certaines plus fragiles ?
J.M. : Je cultive une vingtaine de variétés différentes. Il y a des vivaces, comme les chardons bleus, l'achillée, le gypsophile, … Des bisannuelles que je sème à l'automne, comme les pieds d'alouette ou certaines graminées. Et les annuelles, qui sont semées au printemps, comme les rhodanthes, les statices, les carthames, … Ce sont des variétés dont le nom est peu connu car beaucoup sont spécifiques à la production de fleurs séchées.
Il y a bien sûr des variétés plus fragiles, ou autrement dit, elles ont toutes des points faibles et des points forts. L'immortelle par exemple est une variété rustique et productive, qui résiste bien au temps sec et qui fait partie des plus faciles à produire habituellement. Mais cette année, elle a beaucoup souffert de l'excès d'eau estival. A l'inverse, les rhodanthes, qui requièrent beaucoup de temps et d'attention, ont bien profité de la météo de cette année.
DP&DR - Quelles sont les grandes étapes avant d’avoir ses fleurs séchées dans son salon ?
J.M. : Mon année de production se divise en 4 grandes étapes. De Février à Avril, c'est la période des semis, en godets sous serre majoritairement. D'Avril à Juin, l'activité principale est le repiquage, suivi par le désherbage, la surveillance des maladies et des températures, le soin des plantes (en agriculture biologique), … Ce soin continue bien sûr l'été, mais de Juin à Août, c'est surtout la cueillette qui prend beaucoup de temps. C'est une période très intense de travail, heureusement que les journées sont longues en été ! Des variétés comme l'immortelle ou le statice peuvent être cueillies jusqu'aux gelées.
A l'automne, j'entretiens le terrain sur lequel je travaille, je récolte mes graines pour l'année suivante, je réalise certains semis en pleine terre, puis je range mon matériel pour l'hiver. De Septembre à Décembre, je stocke précautionneusement les fleurs et je les commercialise. Je prépare des commandes pour des fleuristes et je participe à des marchés, toujours en circuits courts et environ 150km maximum autour de chez moi.
DP&DR - L’étape du séchage est-elle entièrement naturelle ? Combien de temps en moyenne cela prend-il ?
J.M. : Oui, j'ai choisi un système de séchage naturel : j'ai tendu des ficelles dans une grange, et les soirs d'été, après la cueillette, je suspends les fleurs, la tête en bas. L'été, j'ajuste le taux d'humidité de l'air en gérant les courants d'air. Certaines années, un ventilateur peut être nécessaire. Il faut savoir que plus une fleur sèche vite, plus elle conservera sa couleur. Le séchage varie entre 1 semaine et 4 semaines, en fonction des variétés et de la météo.
DP&DR - Qu’elle est la différence entre une fleur séchée et une fleur stabilisée ?
J.M. : Aïe, c'est un sujet que je maîtrise mal, désolée ! Une fleur stabilisée ne subit pas le séchage, mais sa sève est remplacée par un produit qui la fige telle quelle. Cela permet de conserver certaines fleurs qui ne peuvent pas être séchées, car le séchage naturel n'est pas fait pour toutes les variétés. Mais moi j'aime bien ce qui peut être fait de façon la plus naturelle possible, du coup ça me branche moins comme processus.
DP&DR - Pourquoi les fleurs séchées paraissent-elles plus chères que des fleurs fraîches ?
J.M. : A production équivalente (fleurs françaises ou non, en agriculture bio ou non, en circuit court ou long, le choix du matériel utilisé, la présentation des fleurs lors de la commercialisation, …), je ne pense pas que les tarifs soient très différents. Je pense plutôt que ce qui fait varier le prix, c'est d'abord la variété d'une fleur et la difficulté à la produire. Et la tendance ! Je trouve assez dur de comparer ces deux productions, car après la cueillette, producteurs de fleurs fraîches et producteurs de fleurs séchées n'ont plus tellement le même métier.
DP&DR – As-tu une ultime astuce pour préserver encore plus longtemps ses fleurs séchées ?
J.M. : Mon premier conseil : ne pas les conserver trop longtemps ! Ça doit vous paraître bizarre, mais je conseille de les conserver entre 6 mois et 1 an, pas plus ! (C'est déjà pas mal, non ?) Si vous les gardez plus longtemps, elles vont se décolorer et prendre la poussière. C'est quand même dommage de passer de si belles couleurs à quelque chose de grisâtre. C'est ce qui a été responsable de la mauvaise réputation des fleurs séchées au début des années 2000. Nos grands-mères et arrières-grands-mères avaient gardé très longtemps des bouquets de fleurs (souvent issues de leur jardin!) dans le coin de la maison. Elles étaient alors devenues toutes poussiéreuses et grises, et plus personne ne voulait acheter de fleurs séchées. On entendait sur les marchés « ah non, c'est des nids à poussières ces trucs-là ! ». Alors 1 an maximum, s'il vous plaît !
Pour ceux qui voudraient les garder un peu plus longtemps quand même, voici quelques astuces :
1) Mettez vos fleurs dans une pièce sèche, car elles s’abîmeront plus vite dans une pièce où l'humidité est changeante.
2)Installez les fleurs plutôt au centre de la pièce, pas trop près d'une fenêtre car les rayons du soleil vont les faire décolorer plus vite.
3)Le fameux conseil du sèche-cheveux si vraiment... Si vous voulez rafraîchir votre bouquet un peu poussiéreux, vous pouvez passer un léger coup de sèche-cheveux, à froid, et éloigné du bouquet. Mais si vous devez en arriver là, à mon avis, c'est qu'il faut changer le bouquet !